Le Chancelier appréciait politiquement Gabriel Barentin. Son âge lui avait permis d'acquérir une expérience et une sagesse remarquables et Louis-Édouard écoutait toujours attentivement ses interventions à la Chambre, d'autant plus que les Radicaux votaient très souvent les projets gouvernementaux.
"En effet Monsieur, il s'agit d'un petit entretien que je souhaitais informel et privé, même si je ne m'inquiète pas pour que ce rendez-vous soit connu de tout Rouvray dans les prochaines heures... Je souhaitais discuter avec vous des prochaines élections générales, je voulais le faire moi-même. Vous n'êtes pas sans savoir, vous le savez même mieux que moi, que les Conservateurs sont sur le point de gagner le scrutin. Votre parti a collaboré à l'ensemble de mes Gouvernements, c'était une volonté, car j'ai toujours apprécié la touche modérée et humaine que vous apportiez. Cependant, un gouvernement conservateur peut très bien se passer de vous, et même, un gouvernement libéral, si nous obtenons un score assez proche des Conservateurs, pourrait se faire sans votre participation selon la configuration des résultats. - Louis-Édouard voyait Gabriel Barentin plisser des yeux, et il se dit que son discours n'était pas des plus clairs... - Pour être plus direct, j'ai besoin de votre aide et vous avez besoin de la mienne. Aussi étrange que cela soit, et ça ne l'est pas vraiment en vérité, les sorts de nos deux formations sont intimement liés. Je ne vous propose pas une alliance, je suis trop attaché à la pluralité politique pour brouiller de cette manière le message aux électeurs, mais une sorte de pacte de non agression. Je vous propose de concentrer vos attaques sur le camps conservateur, à l'image de ce que sera notre stratégie de campagne, mais avec vos arguments.
À cet instant, un serveur vint apporter quelques raffraichissements aux deux hommes, ce qui donna quelques secondes à Gabriel Barentin avant de répondre.